Le cowboy dans les westerns
un mémoire écrit par El Lobo
Troisième Partie
LE COW-BOY AU CINÉMA
II. ÉTUDES DE FILMS
I/ James Stewart: Rancho Bravo, Cinq hors la loi, Attaque au Cheyenne Club
Ce n’est qu’en 1965 que James Stewart retrouvera les
vaches, dans un film d’Andrew V. McLaglen, avec Maureen O’Hara et Brian Keith,
The rare Breed (Rancho Bravo). A cheval entre le western et la comédie,
le film nous raconte l’histoire d’une belle et rousse veuve anglaise (Maureen
O’Hara) qui importe au Texas un taureau hereford champion de concours, pour
améliorer les longhorns locaux. Le film tourne autour du genre “family style”,
non-violent dirent certains, si ce n’est le magnifique stam pede du début. Brian
Keith y est excellent dans le rôle d’un écossais pas commode du tout transformé
en agneau par la flamboyante Maureen. Le film traite avec justesse beaucoup
d’aspects intéressants de la vie du ranch (notamment l’opposition des vieux
cowhands aux méthodes d’éleva
ge de la jeune veuve). Stewart reste égal à
lui-même, et prit un plaisir évident au tournage du film.
Dans
Fire Creek (Cinq hors-la-loi, 1968), de Vincent McEveety, Stewart retrouve
Henry Fonda, son vieux partenaire et ami de toujours. Le film passa à l’époque
presque inaperçu, et c’est dommage. Stewart n’est pas exactement un cowboy dans
ce film, mais le thème général rejoint notre propos par la description d’une
petite communauté champêtre au XIXe dans l’Ouest. Stewart y interprète le rôle
d’un brave fermier petit éleveur, nommé officieusement shérif par la petite
communauté et dont le principal travail consiste à retrouver des vaches égarées.
Son étoile a été découpée dans du fer-blanc par ses enfants tout fiers de leur
papa. Il y ont écrit “Sheraf” avec beaucoup d’amour et une mauvaise connaissance
de l’orthographe (si proche de la prononciation typique de Jimmy Stewart ! ).
La vie de ce brave homme est un jour troublée par l'arrivée de cinq tueurs menés
par H. Fonda qui terrorisent le village. Stewart retrouve les fureurs de ses
personnages manniens et abat tous les bandits. Un petit “high noon” en somme,
rudement bien ficelé par McEveety, un metteur an scène de télévision nouveau
venu au cinéma. La vie de la petite ville est très bien observée, et bien qu’on
n’y voit presque aucune vache, ce film nous en apprend plus sur les petites
communautés rurales que bien des westerns à grand spectacle. C’est aussi une
intéressante réflexion sur la violence, où l’on voit James Stewart fouillant
tout le petit village à la recherche d’une arme, l’œil enflammé et les cheveux
an désordre, dans ses habits de paysan et son étoile de fer-blanc.
Mais il redevient, pour notre plus grand plaisir, un cowboy
à part entière dans Cheyenne Social-Club (Attaque au Cheyenne-Club,
1970), de Gene Kelly. Toujours long et mince, comme la plupart de ceux qui
passèrent leur vie en selle, les cheveux blancs et la barbe hirsute de la même
couleur, un vieux stetson taché de sueur sur la tête, il “sent” la vache et le
cheval à travers l’écran. Encore un film dont on parla peu (ou si mal), et qui
est un pur délice. James Stewart y
retrouve son vieux compère Henry Fonda, et
tous deux font une paire de cowboys vieillissants, satisfaits de leur sort et
heureux de leur boulot (Stewart a une façon bien à lui de cracher sur le fer à
marquer pour en estimer la température avant de l’appliquer sur les veaux
mugissants). Stewart reçoit un jour une lettre qu’il se fait lire par son
contremaître, lui annonçant que son frère, décédé, lui laisse en héritage le
“Cheyenne Social-Club”. Les deux compères partent à cheval rejoindre le lointain
héritage. Le bavard (Fonda) et le taciturne, mêmes silhouettes allongées, à
l'aise dans la selle, au cours d’un long voyage scandé par les interminables
histoires de Fonda. Au bout d’un millier de kilomètres,
Stewart demande : “... Look ... Why did you follow me, by the way ...“
(Au fait, pourquoi m’as-tu suivi ?) et Fonda “Well, I don’t know ... we are
podner, ain’t we ?“ (Je ne sais pas ... t’es mon copain, non ?). Et c’est
cette notion de “partner”, très commune chez les cowboys, qui dirige tout le
film. Arrivé sur les lieux, Stewart s’aperçoit que le “Cheyenne Social-Club” est
un lupanar de luxe dont son frère était le patron. Cela est bien sûr prétexte à
de savoureuses scènes entre Stewart et les pensionnaires, d’autant plus que le
grand Jimrny est extrêmement choqué par tout cela. Fonda, lui, s’en accommode
fort bien. Ayant défendu l'”honneur de sa maison” dans un combat mémorable (avec
beaucoup de chance car bien sûr le vieux cowboy n’a rien d’un gunfighter),
ayant à son tour légué le “Cheyenne Social-Club” aux pensionnaires, les deux
copains retournent à leurs vaches, et Stewart recrache avec plaisir sur son
fer à marquer et jouit de sa liberté retrouvée.
Le film, on le voit, n’est qu’une succulente comédie, mais excellemment jouée par les deux grands acteurs. Il est surtout très juste par de petites notations bien observées Fonda butte accidentellement dans une patronne de restaurant qui lui tape sur les côtes en lui disant “Tu fais pas du lard, mon gars, tu ressembles plutôt a un poteau télégraphique”. Stewart s’étonne de voir des éraflures sur le bois des montants du lit à baldaquin, et l’une des pensionnaires lui explique “Ho ça,… éperons !“. Il y a aussi la panique de Stewart provoquée dans un gunfight, alors qu’il ne sait pas plus se servir d’une arme qu’un ordinaire vacher. En dehors de la comédie, si savoureuse soit-elle, il y a de nombreuses observations sur la vie des cowboys et l’ambiance de l’époque qui sont fort justement rendues.
Il ne faut pas confondre le “Cheyenne Social Club” du
film avec le célèbre club privé des éleveurs du siècle dernier, le “Cheyenne
Club” dont nous reparlerons au sujet des “cattle-barons”.
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