Le cowboy dans les westerns
un mémoire écrit par El Lobo
Troisième Partie
LE COW-BOY AU CINÉMA
II. ÉTUDES DE FILMS
F/ L'homme qui n'a pas d'étoile (Man Without a star) 1954 de King Vidor
et ses remakes
Exactement à l’opposé, nous avons le personnage interprété
par Kirk Douglas dans Man without a Star (L’homme qui n’avait pas
d’étoile, 1954) de King Vidor. Il est tout à fait le contraire de Will Penny :
jovial, extroverti, truculent, vétu de propre, habile avec un banjo, habile
avec un revolver, habile avec les dames, tel est Dempsey Rae, cowboy typique de
l’imagerie populaire.
Nous voyons encore une fois le métier de cowboy à travers le regard d’un “pied tendre” faisant son éducation. Jeff Jansen (William Campkell), jeune adolescent fuyant New York dans l’espoir de devenir cowboy, est pris en charge par Dempsey qui lui enseigne tout ce que doit savoir un jeune homme dans l’Ouest, Le thème du tuteur, de l’initiateur est fort commun dans le western, il en est presque une constante. On a beaucoup écrit sur Man without a Star dont nous reparlerons d’ailleurs pour évoquer le problème des barbelés. Mais revenons au vacher. Le film à ce sujet n’a rien de révolutionnaire, et le cowboy y reste très proche de son image légendaire. La fameuse démonstration de Kirk Douglas enseignant au jeune Jeff à se servir d’un colt relève plus d’un numéro de cirque que du travail du vacher. Si tous alors portaient une arme, tous n' avaient pas le goût et le loisir nécessaires pour s’entraîner, ni l’argent d’ailleurs pour s’offrir les munitions. Pour acquérir une certaine habileté avec les armes à feu, il faut en effet un long entraînement et brûler de très nombreuses cartouches. C’est plutôt au lasso et aux jeux équestres que s’entraîne le cowboy, ceci étant directement lié à leur travail. Le personnage de la patronne du ranch, Reed Bowman (Jeanne Crain) relève de la même invraisemblance que l’héroïne de Johnny Guitar. La vie au ranch est cependant traitée avec une certaine justesse, et l’enthousiasme de Douglas-Dempsey devant la salle de bains ne manque pas d’une certaine saveur. L’amour de Dempsey Rae pour les grands espaces, les terres vierges non encloses de barbelés, sa haine des barrières et sa nostalgie de l’Ouest sauvage déjà en voie de disparition hissent cependant le personnage interprété par Kirk Douglas au-dessus de la banale convention,
Nous avons de loin préféré - du point de vue du réalisme -
le remake de ce film: A Gun called Cannon (Un “Colt” nommé Gannon, 1968)
de James Goldstone. Le film est beaucoup plus authentique que celui de Vidor,
et d’ailleurs beaucoup plus moderne. Le personnage interprété par Tony Franciosa
est beaucoup plus proche de l’idée que l’on peut se faire d’un cowboy, que le
Dempsey interprété par Kirk Douglas au jeu picaresque parfois exagéré. A Gun
called Gannon est plein de notations très justes au niveau de la vie
quotidienne, du travail des vaches, des selles, des armes, bien opposé an cela
au film de Vidor qui accumule les anachronismes déjà étudiés. Gannon par
exemple se trouve à un moment dans le lit de sa patronne, et se roule une
cigarette. Sa maîtresse recueille quelques brins de tabac sur la poitrine de
Gannon et admire son habileté à en perdre si peu. “Dans ma vie, dit-il, je n’ai
pas gaspillé assez de tabac pour pouvoir rouler une seule cigarette”. Il
y a
dans cette seule phrase beaucoup plus d’authenticité que dans toutes les
jongleries de K. Douglas avec son colt. De même, lorsque Gannon s’apprête à
partir pour une longue chevauchée, les mains blessées par les barbelés, il
demande à une des pensionnaires de la maison close de lui rouler plusieurs
cigarettes pour la route. Dans une autre scène, Gannon veut armer son jeune
disciple. La prostituée ouvre donc un placard pour lui faire choisir une arme
dans la dizaine de holsters pendus ayant appartenu "à des clients qui sont
partis trop vite pour pouvoir les récupérer” (Gannon choisit pour le jeune homme
un Smith et Wesson calibre 44, un des rares que l’on puisse voir au cinéma).
Le film est ainsi bourré de petites remarques vraies, de
touches justes qui contribuent à approfondir les personnages et le sujet. Au
niveau technique, le film ne possède peut-être pas la simplicité, le
dépouillement de celui de Vidor, mais il reflète beaucoup plus l’atmosphère de
l'époque.
Assez curieusement, l’on retrouve un second remake du film
dans Bull of the West (Le Solitaire de l’Ouest, 1970) de Paul Stan ley et
Jerry Hopper. Mais dans ce film, si le scénario de Man without a Star
réapparaît intouché (refilmé parfois plan par plan), il ne constitue pas
l’histoire principale. Ce film est en fait un des épisodes du feuilleton TV
The Virginian en noir et blanc, dans lequel Charles Bronson joue un rôle
secondaire. Devant l’indigence du scénario, les producteurs ont dû décider de
rajouter en parallèle une histoire solide qui a fait ses preuves. Les deux
récits n’ont presque aucun point commun et semblent ne se joindre dans le film
que par accident. Les sociétés de distribution se sont hâtées de ressortir le
feuilleton lorsque Bronson accéda au vedettariat, espérant attirer le public
par le nom d’acteurs célèbres (Bronson, G. Kennedy, Brian Keith, L.J. Cobb). Le
résultat est assez curieux dans sa naïveté.
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