Le cowboy dans les westerns
un mémoire écrit par El Lobo
Troisième Partie
LE COW-BOY AU CINÉMA
II. ÉTUDES DE FILMS
E/ Will Penny, le solitaire (Will Penny) 1967 de Tom Gries
Dans les années 1960/70, la nouvelle vague de cinéastes
américains semble avide de réalisme et d’authenticité, de replacer les hommes
dans leur vérité de tous les jours, aux dépens du mythe. Du moins est-ce ce
qu’essaie de faire Tom Gries, dans son film Will Penny (Will Penny le
Solitaire, 1967). Ici encore, le héros, Will Penny (interprété par Charlton
Heston) est bien loin de l’image traditionnelle du héros de western. Cowboy
vieillissant, Will Penny, au retour d’un épuisant cattle drive, est chargé par
son patron d’hiverner dans une cabane éloignée du ranch pour surveiller les
troupeaux. C’était en ce temps-là chose courante dans les grands ranches. Ces
camps d’hiver étaient fastidieux et pénibles. Les hommes passaient de longs mois
seuls - au plus à deux - dans d’inconfortables cabanes de rondins, ayant le
froid et l’ennui comme seule compagnie. Leur tâche consistait à parcourir à
cheval les lisières du ranch pour en surveiller les abords (d’où le nom de
line-camp et line-rider). “When I went into winter camp, I
always took plenty of novels and tobacco and usually a cat”, rappelle Jim
Christian qui fut un de ces line-riders pour le JA ranch dans le Panhandle. “A
cat and a briar pipe were lots of company when a fellow spent months shut off
from the world’.
C’est cette existence solitaire, isolée dans l’humble cabane entourée de neige que nous fait vivre Will Penny. Il rencontre une jeune veuve et ses enfants qui viennent partager sa solitude et passer avec lui un merveilleux Noël. Les relations entre Will Penny et la jeune femme sont décrites avec beaucoup de justesse et de retenue. Il est cependant bizarre que Penny quitte à la fin du film la jeune veuve sous prétexte qu’il est trop vieux. J. Stewart ou H. Fonda eussent mieux fait l’affaire pour justifier une telle phrase. C. Heston, malgré sa moustache grisonnante, parait dans la force de l’âge. Cela s’explique d’autant moins qu’en ce temps les différences d’âges, même importantes, étaient courantes dans les ménages.
Il nous reste cependant de belles images de neige, de
petits matins froids, de cowboys s’extirpant non sans peine de leurs couvertures
humides, vêtus des traditionnels “long-johns” rouges décolorés en rose par le
temps. Gries sait bien nous faire partager la vie de ses personnages. Will Penny
réparant avec maladresse ses chaussettes trouées, un soir dans la bunkhouse, à
la lueur vacillante d’une lampe à pétrole, est une image vraie de la solitude,
de la monotonie et de la routine du métier de cowboy. L’on a pu reprocher à
Gries une certaine forme de sadisme, d’outrance hérités de l’école italienne.
C’est peut-être aller un peu loin. Effectivement la première rencontre
de Penny
avec les hommes de main de Donald Pleasance peut évoquer le western spaghetti
par l’accoutrement des bandits, qui ressemblent à des épouvantails, et leur
brutalité cynique. Mais là sans doute s’arrête la comparaison : l’Ouest était
un univers de brutalité, et Gries le montre ainsi sans complaisance, mais nous
sommes loin ici de la vulgarité des “spaghetti”. La réaction de Penny est celle
d’un vacher fatigué par un long drive, en caleçon long dans un petit matin
froid, n’ayant rien ni d’un héros, ni d’un gunfighter, Et c’est surtout an cela
que le film est authentique: on y croit. Le film est réaliste, tant par
l’authenticité des sentiments, des personnages, que par celle du matériel
employé: vêtements, selles, holsters, chuck-wagon sont dans l'ensemble corrects
pour le plus grand plaisir de l’amateur.
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