Le cowboy dans les westerns
un mémoire écrit par El Lobo
Première Partie
DE L’OUEST ET DES VACHES
III. COW-BOY
Au milieu de l’année 1866, des milliers de longhorns traversèrent la Rivière Rouge et se dirigèrent vers le nord, vers le Kansas. Les difficultés d’une telle opération sont inimaginables. Les longhorns étaient des bêtes farouches, pouvant atteindre 700 à 800 k. de muscles et de nerfs, avec des cornes dont l’envergure moyenne tournait autour d’un mètre quarante, beaucoup atteignant un mètre quatre-vingt, certains même encore plus! Complètement sauvages et libres depuis des siècles, ils n’avaient nullement l’intention de sortir de la brousse d’épineux où ils se terraient, ni de suivre sagement un troupeau où que ce fût, et surtout pas à travers des milliers de kilomètres de pistes hérissées d’obstacles de toute nature. Beaucoup n’avaient jamais vu d’homme, à plus forte raison jamais senti la corde ou le fer à marquer.
Il fallut un acharnement et une détermination obstinés pour arracher ces animaux à leurs refuges d’épines, les rassembler, les marquer, castrer les jeunes, abattre les plus mauvaises têtes, et les faire avancer en un semblant de troupeau, qu’un éternuement malencontreux pouvait disperser à travers l’immense pays. Jo Mora écrit que ces troupeaux “étaient formés avec les bêtes les plus enragées et les plus sauvages qu’on pût trouver dans l’Ouest en dehors des bisons ou des daims”
C’était un vrai coup de poker de la part des premiers organisateurs. Un homme pouvait s’enrichir d’un seul coup, s’il ne perdait pas en route son troupeau ou sa vie, car ce n’était pas les obstacles qui manquaient: orages, déserts, rivières en crue, “stampede” (panique du bétail), sans parler des peaux-rouges ou voleurs de bétail qui parsemaient les points chauds de la piste. Les pays inconnus réservaient bien des surprises. Il fallait parfois repartir en arrière, chercher une autre piste, recommencer plus loin.
Ceux qui arrivèrent au Kansas crurent avoir gagné la partie, mais ce fut pour se heurter
à l’hostilité des fermiers locaux qui craignaient que les tiques amenées par les longhorns ne
répandissent la fièvre du Texas dans leurs propres troupeaux. Tout cela refroidit l’ardeur des
Texans, et si plus de 350.000 vaches passèrent la Rivière Rouge en 1866, ce chiffre tomba à
moins de 35.000 l’année suivante.
Mais un jeune et dynamique acheteur de viande de l'Illinois, J.G. mccoy, persuada la compagnie de chemin de fer de construire un tronçon reliant la ligne principale à une ville donnée, et d’équiper celle-ci de parcs à bestiaux et de quais d’embarquement. En 1867, Abilene fut choisie et reliée directement aux abattoirs de Chicago. Le 5 septembre 1867, la “Kansas Pacific Railroad” emportait les vingt premiers wagons de longhorns.
Dès que la nouvelle fut connue au Texas, l’enthousiasme un peu éteint se ranima et ce fut le début des grandes migrations, des grands “drives”. Les pistes de bétail Chisholm, Sedalia, Swanee etc. virent défiler des milliers de longhorns.
Le nombre de bêtes transportées ne cessa d'augmenter jusqu’à atteindre 700 000 en 1871. L’on estime à quatre millions et demi le nombre de vaches transportées entre 1866 et 1880.
Borden Chase, qui fut le scénariste - entre autres films - de Red River, survola la célèbre Chisholm Trail dans les années quarante et fut impressionné d'encore clairement distinguer après tant d'années les traces de la piste marquée par des centaines de milliers de vaches (Films Comments, vol. 6, n° 4. cité dans H. HAWKS, Seghers, p. 145).
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Des nostalgiques
du vieil ouest font traverser la Rivière Rouge à un troupeau de long
horns dans les années 1970 |
Ce fut l’âge d’or du bétail. Les ranches prirent une importance accrue, le prix des vaches monta et d’immenses fortunes virent le jour. Les marques à feu se multiplièrent sur les flancs osseux des longhorns et beaucoup démarrèrent dans l’industrie du bétail n’ayant pour capital de départ qu’un cheval rapide et une notion assez élastique de l’application des marques à feu. Tout cela n'alla pas sans heurts, mais les vaches continuèrent à se répandre dans les “Cowtowns” : Abilene, Ellsworth, Wichita, Dodge, Denver. Le cow-boy entra dans la mythologie avant même d'être arrivé à maturité.
C’est à cette époque que se déroulent la plupart des films de cow-boy, époque où tout l'Ouest ne respirait qu’au rythme des vaches.
Dans cette vingtaine d'années où les cow-boys furent rois, on estime leur nombre entre 30 000 et 35 000. Essayons de voir à quoi ils ressemblaient et quel était leur travail.
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